Si « l’enfer est pavé de bonnes intentions », dans le monde des affaires c’est peut-être le paradis qui est parfois couvert des plus mauvaises ? Certaines entreprises semblent en effet profiter des fraudes qui les concernent pour redorer leur blason…
En juillet 2024, l’enseigne française Kiabi a découvert qu’elle avait été victime d’une fraude financière d’une ampleur inédite, orchestrée par une ancienne trésorière qui avait quitté l’entreprise un an plus tôt. Ce détournement, d’environ 100 millions d’euros, suffit à montrer à quel point ce genre de fraudes peut avoir des conséquences dévastatrices pour une entreprise.
Ce type de manipulations délibérées, souvent menées par des cadres de l’entreprise pour maquiller les performances financières et tromper les investisseurs, les régulateurs, voire le grand public, constitue l’une des violations éthiques les plus graves. Elle menace profondément la confiance et l’image des marques.
Certaines entreprises parviennent pourtant à traverser ces tempêtes et à en sortir renforcées. La question est provocatrice mais, pour certaines firmes, la fraude peut-elle être un pari gagnant ?
Les fraudes, un raccourci ?
Prenons quelques exemples de fraudes dont les bénéfices ont pu être importants à court terme :
- On pense d’abord à Wells Fargo, une multinationale américaine de services financiers, qui a créé des millions de faux comptes pour atteindre des objectifs de croissance agressifs.
- L’un des cas les plus célèbres est aussi le scandale des émissions de Volkswagen en 2015. Le constructeur automobile allemand avait manipulé les logiciels de ses moteurs pour feindre la conformité avec les normes environnementales.
- Enfin, un cas historique, Enron, qui avait truqué ses états financiers pour se présenter comme un géant de l’énergie en forte expansion.
Dans chaque cas, les bénéfices à court terme étaient indéniables : flambée des cours de l’action, domination du marché et profits colossaux. La fraude, ici, s’apparente à un raccourci vers l’avantage concurrentiel.
Reconstruire sa réputation
Mais tout ce qui brille n’est pas d’or. La fraude engendre son propre lot de conséquences négatives, en particulier pour la réputation des entreprises. L’exposition médiatique de ces pratiques a déclenché des tempêtes d’indignation publique et de sanctions légales, sans parler d’une surveillance médiatique accrue. Ces scandales ont conduit à une détérioration profonde de l’image des entreprises. Alors que Wells Fargo et Volkswagen ont lutté pour reconstruire leur crédibilité, l’empire d’Enron, lui, s’est effondré, menant à sa disparition pure et simple.
La réputation ne se résume cependant pas à une simple image publique : elle est une véritable monnaie de confiance, cruciale pour la pérennité des affaires. Lorsque cette confiance est brisée, les cours de l’action chutent, – comme en témoigne la dégringolade de Wells Fargo – la fidélité des clients disparaît et les entreprises s’exposent à des sanctions légales.
« Le temps adoucit tout »
Quand la fraude est révélée, les dégâts sur la réputation sont souvent rapides et violents. Mais pour citer Voltaire dans L’Ingénu : « Le temps adoucit tout. »
En changeant de direction, en lançant des campagnes de transparence et en réformant ses pratiques internes, Wells Fargo a réussi à restaurer partiellement son image. De même, la transition de Volkswagen vers des véhicules plus écologiques a contribué à reconquérir des parts de marché et la confiance des consommateurs. Ces entreprises montrent que la rédemption est possible, mais le processus est lent et exige des actions décisives.
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L’enquête que nous avons menée auprès de 107 répondants (consommateurs et investisseurs), visait à mesurer et quantifier les perceptions publiques de l’impact de la fraude d’entreprise sur la réputation, les perspectives de redressement et l’efficacité des mesures d’atténuation. Un des résultats les plus significatifs indique que, malgré l’atteinte à la crédibilité, 64 % des personnes interrogées estiment que les entreprises peuvent se redresser, démontrant la volonté des consommateurs de pardonner.
Bien sûr, tous les cas de fraude ne se terminent pas par une reprise. Le cas Enron est un sombre rappel de ce qui se produit lorsque la fraude s’enracine dans la culture d’entreprise. Aucune mesure corrective ou conformité réglementaire n’a pu la sauver de la faillite.
Le consommateur est roi
Le rôle des consommateurs est fondamental. Selon notre enquête, plus de 70 % des répondants n’ont pas boycotté une entreprise impliquée dans un scandale de fraude.
Bien que la réputation d’une entreprise soit entachée, les actions des consommateurs ne reflètent pas toujours leur indignation initiale. Que ce soit par commodité, fidélité à la marque ou par conviction que chacun mérite une seconde chance, de nombreux clients et investisseurs restent prêts à soutenir les entreprises après des scandales de fraude, à condition que celles-ci prennent des mesures pour corriger la situation.
Les résultats de l’enquête révèlent même une conclusion surprenante : pour certaines entreprises, les bénéfices de la fraude peuvent l’emporter sur les risques. Des entreprises comme Wells Fargo et Volkswagen rebondissent, mais, dans certains cas, émergent même plus fortes qu’avant. Leur capacité à se « rebrander », s’adapter et se repositionner leur a permis, à long terme, de prospérer.
Le pari est-il rentable ?
Après le scandale, l’orientation de Volkswagen vers les technologies vertes a non seulement contribué à lui faire regagner une partie de sa réputation perdue, mais lui a également permis de rester compétitive dans une industrie automobile en transition vers l’électrification. En se redéfinissant comme innovateur dans la mobilité électrique, Volkswagen a su capter un marché en croissance et a même dépassé les niveaux de ventes d’avant-scandale, soulignant sa résilience et sa capacité d’adaptation.
La fraude peut-elle donc vraiment être une stratégie efficace ? La réponse est un « oui » prudent, à condition qu’une entreprise soit prête à payer le lourd tribut de la reprise et puisse gérer habilement l’après-scandale. Mais cela ne signifie pas que la fraude soit une stratégie souhaitable : si certaines entreprises comme Volkswagen ou Wells Fargo réussissent à rebondir, d’autres, comme Enron, sombrent sans espoir de retour.E non seulement rebondissent, mais, dans certains cas, émergent plus fortes qu’avant. Leur capacité à se ‘rebrander’, s’adapter et se repositionner leur a permis, à long terme, de prospérer.