La crise sanitaire actuelle a marqué un tournant pour le secteur du retail : la digitalisation massive des commerces a particulièrement impacté les canaux de ventes et le parcours d’achat des consommateurs. Les ventes en ligne ont explosé partout dans le monde : en Europe par exemple, les dépenses liées au e-commerce atteindront en moyenne 18 % du total des ventes au détail en 2021.
Les parcours d’achat des consommateurs se diversifient et se digitalisent. Certaines tendances, comme le social commerce, sont en plein essor. En Chine par exemple, il représentera 13% du volume du e-commerce en 2021.
Les réseaux sociaux tels que Facebook, Snapchat et même le géant Amazon ont commencé à exercer des activités connexes et se préparent à entrer sur le marché du commerce social.
Si on constate une croissance rapide du commerce social en Chine et aux États-Unis, la France est encore assez en retard, pourquoi ?
Le commerce social, ou l’utilisation des réseaux sociaux pour faire de la vente directe de produits
Bien qu’il n’existe actuellement aucune définition unifiée, la plupart des chercheurs pensent que le commerce social est une combinaison du commerce électronique et des médias sociaux.
Cependant, le développement actuel du commerce social présente une définition plus large grâce aux recherches que nous avons menées : le commerce social fait référence au phénomène consistant à appliquer des éléments sociaux tels que l’attention, le partage, la communication, la discussion et l’interaction au processus de transaction de commerce électronique.
Grâce aux usages sur les réseaux sociaux, l’expérience d’achat est ainsi plus émotionnelle et la relation des internautes avec le produit est renforcée. La promotion commerciale des produits est facilitée puisque les échanges avec les consommateurs se font de façon plus naturelle, directe et personnalisée.
Le Commerce social, nouveau canal de commerce électronique
Afin de déterminer plus en détail les caractéristiques de développement du commerce social, nous avons aussi réalisé une étude de cas sur dix entreprises. Nous avons basé notre analyse sur les quatre types de commerce social détaillés dans l’article “Framework for Understanding the Business Model of Social Commerce” :
- Commerce électronique orienté commerce social : Plateformes de e-commerce qui ont pour objectif de développer progressivement leurs fonctionnalités sociales (Amazon, Alibaba).
- Commerce social axé sur les intérêts : Commerce social issu de plateformes basées sur des communautés d’intérêts (Instagram, Little Red Book).
- Réseaux sociaux orientés commerce social : Réseaux sociaux qui ont choisi d’implémenter plus de fonctionnalités e-commerce (Facebook, Snapchat, WeChat, TikTok).
- Achats groupés orientés commerce social : Plateformes qui permettent aux utilisateurs d’organiser des achats groupés (Groupon, Pinduoduo).
Grâce à ces recherches, nous sommes arrivés à la conclusion que le commerce social et le commerce électronique sont deux modèles commerciaux différents dans le sens ou leurs business models sont distincts. Afin de différencier plus explicitement ces modèles, nous avons inspecté trois aspects des business models du commerce social et du commerce électronique : proposition de valeur (type de services et de produits que l’entreprise fournit à ses cibles), chaîne de valeur (utilisation des ressources de l’entreprise pour créer de la valeur) et réalisation de valeur (structure des coûts et source de revenus de l’entreprise).
- Proposition de valeur:
- Les plateformes qui font du commerce électronique ont une proposition de valeur plus difficile à cibler à cause de la multitude de profils utilisant leurs services.
- Les plateformes de commerce social ont une proposition de valeur plus ciblée grâce au marketing de précision : la plateforme de commerce social connaît les besoins de ses cibles et de ses clients, et sait donner une réponse adaptée aux attentes de ses utilisateurs.
- Chaîne de valeur :
- La chaîne de valeur du commerce électronique est à sens unique, il existe alors un manque de communication efficace entre les fabricants, les fournisseurs et les détaillants.
- En revanche, la chaîne de valeur du commerce social est multidirectionnelle, les acteurs dans la chaîne de valeur ont plus d’interactions entre eux, ce qui garantit une coopération entre tous les participants.
- Réalisation de la valeur :
- Dans le commerce électronique, le coût de réalisation de la valeur est élevé, avec par exemple une perte de bénéfice sur les stocks et le marketing.
- Au contraire, le commerce social a un coût de réalisation de la valeur plus faible, grâce au marketing de précision , la personnalisation C2B et à la distribution des stocks de réserve, comme le modèle de «zéro inventaire». Ce modèle peut éviter de surcharger les stocks et ainsi réduire les risques de pertes de revenus.
Par rapport au e-commerce, le commerce social semble présenter beaucoup d’avantages. La forte croissance de ce phénomène en Chine montre qu’il s’agit d’un modèle économique pertinent. Un exemple concret de la force du commerce social est la vente de 15 000 produits de beauté en 5 minutes, exploit réalisé par l’influenceur vendeur Li Jiaqi (source: Premium Beauty News).
Selon le livre “E-Commerce” de Henri Isaac : Le commerce mobile est la base des modèles de commerce social. En France, le taux de croissance du m-commerce dépasse déja celui du e-commerce (+ 95% entre 2018 et 2020 pour un total de 17,5 milliards d’euros, source: Liberge). Les ventes de commerce électronique ont quant à elles augmenté de plus de 17% en 2020 (source: eMarketer).
La tendance de dépassement de croissance du m-commerce par rapport au e-commerce se retrouve aussi bien aux Etats-Unis qu’en Chine : cela est un signe plutôt positif quant au potentiel de développement du commerce social en France.
Alors comment expliquer que la France est en retard sur cette tendance ?
Les freins au développement du commerce social en France
Les plateformes de commerce social en France (comme Instagram ou encore Snapchat) n’ont pas encore bien intégré les caractéristiques du e-commerce et de l’interaction sociale. Par exemple, il n’est pas encore possible d’acheter des produits directement depuis un réseau social sans quitter la plateforme : l’utilisateur est redirigé vers le site du vendeur ou une plateforme de paiement comme Paypal, la plupart du temps. Il existe encore une “barrière” entre le commerce et le social : Les fonctions de “commerce” manquent de fonctionnalités techniques et d’interaction avec les utilisateurs, telles que le paiement mobile. Problème épineux quand on sait que 48% des consommateurs français indiquent qu’une étape de paiement compliquée peut leur faire abandonner un achat.
Par ailleurs, certaines plateformes n’ont pas de ciblage précis.
Enfin, et probablement point le plus compliqué à traiter, il existe un manque de confiance encore trop important envers ce type de services selon un sondage mené par YouGov.
Comment favoriser l’adoption du social commerce en France ?
Voici quelques pistes pour dépasser les freins identifiés en France et accélérer l’adoption de cette nouvelle génération de e-commerce qui présente de fortes opportunités :
- Favorisez l’interaction sociale et le divertissement, et privilégiez le marketing et les services personnalisés que vous offrez à vos utilisateurs. Par exemple, vous pouvez organiser un live-streaming en collaborant avec des influenceurs qui feront la promotion de votre marque : les Galeries Lafayette ont mis en place leur propre système de live shopping qui est “Le Shopping à Distance”, et Undiz a organisé un évènement de live-shopping, diffusé sur plusieurs réseaux sociaux et animé par des influenceurs.
- Utilisez les outils CRM et utilisez des outils de big data afin de gérer efficacement vos données clients.
- Investissez dans le marketing de contenu. Un contenu plus ludique qui incite les utilisateurs à participer davantage permettra de favoriser l’interaction avec les utilisateurs. Par exemple, Dior a présenté sa nouvelle collection masculine sur Twitch.
- Intégrez de façon fluide des processus d’achat, favorisez le paiement mobile et facilitez l’utilisation des outils de vos plateformes. Facebook et Instagram ont commencé à reprendre certaines fonctionnalités des plateformes de commerce social chinoises. Parmi elles, les boutiques intégrées à l’application avec Facebook Marketplace (l’équivalent des Stores de Little Red Book), ou encore le processus d’achat intégré directement à l’application avec Instagram Checkout (que l’on retrouve dans WeChat).