Depuis les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, le droit du travail français est touché par la réforme. Dans un pays où le moindre changement fait l’objet de discussions interminables, cette situation ne saurait passer inaperçue. Retour sur les grands points de cette réforme.
Le thème est toujours d’actualité depuis la publication des ordonnances Macron le 22 septembre 2017. A y regarder de près, le droit du travail français était marqué par trois constats : d’abord, à peine 8% des salariés adhèrent à un syndicat (c’est deux fois moins qu’en Allemagne, et trois fois moins qu’au Royaume-Uni). Qui plus est, nous avons un code du travail volumineux de plus de 10 000 articles (alors que la Suisse a un Code d’une soixantaine d’articles et l’Allemagne, 300 articles…). Enfin, la France se fait remarquer par un nombre important de toutes petites entreprises (2/3 des entreprises en France ont moins de 10 salariés) où il était jusqu’à présent très difficile de négocier (hormis le système de mandatement syndical).
Fort de ces constations les ordonnances Macron et les textes ultérieurs ont tenté de répondre à ces maux selon trois axes distincts.
Un assouplissement raisonné des relations de travail
Le droit du travail français a la réputation d’être un carcan. Il est clair qu’un des objectifs des ordonnances Macron est d’assouplir ces relations en revenant sur la hiérarchie des normes. En effet, jusqu’à présent, le principe était celui de l’ordre public social, c’est-à-dire que la solution la plus avantageuse pour le salarié primait. Désormais, si le gouvernement a renoncé à simplifier le code du travail, il promeut la négociation. Et, les thèmes de négociation sont répartis en trois blocs.
- Le 1er bloc rassemble les domaines où la négociation de branche prime de manière impérative sur la négociation d’entreprise (salaires, coefficients hiérarchiques, CDD…)
- Le 2eme bloc permet à la branche d’instituer des « clauses de verrouillage » sur certains thèmes dévolus en principe à l’entreprise
- Le 3eme bloc correspond aux domaines où la négociation d’entreprise prime sur la négociation de branche. Sont ainsi visés les primes, les indemnités de rupture, la durée du préavis, la mise en place du forfait jour. Un accord négocié au sein de l’entreprise pourra donc prévoir des solutions moins avantageuses pour le salarié que celles issues de la convention collective de branche. Et là ou la question devient intéressante, c’est qu’il est désormais possible dans les TPE et PME, dépourvues de délégués syndicaux, de négocier par référendum des accords d’entreprise. Et en ces temps troublés liés au Covid 19 où l’économie est impactée, la négociation d’accords de performance collective, d’activité réduite pour le maintien en emploi est d’autant facilitée…
Une volonté de simplification des relations de travail
Ce souci de simplification est concrétisé par la création d’un « comité social et économique » (CSE) qui, remplace depuis le 1° janvier 2020 les trois institutions antérieures : le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Cet empilement des structures avait été maintes fois critiqué, surtout dans un pays où les syndicats ont un faible poids…
Une sécurisation des relations de travail
Sans doute s’agit-il ici de l’apport le plus important des ordonnances Macron. Cette sécurisation se matérialise de trois manières :
- Par la réduction des délais de prescription. Un levier incontestable permettant de limiter le risque contentieux est celui de la prescription. Un bref délai de contestation découragera immanquablement les salariés qui disposeront de peu de temps pour s’informer et organiser leur défense, mais également il éteindra toute action ultérieure. L’analyse du droit comparé indique que les délais de contestation suite à un licenciement sont souvent brefs. Ainsi, le droit allemand fixe à trois semaines le délai d’introduction de l’instance à compter du terme du contrat ; le droit espagnol fixe ce délai à 20 jours. Il est de trois mois en doit belge ou luxembourgeois, 60 jours ouvrables au Chili, quatre mois en Suède…. S’agissant de la France, on se souvient qu’avant 2008 la prescription était de 30 ans en matière de dommages intérêts. Elle est aujourd’hui d’un an. De même, on relèvera qu’un salarié ne peut contester un accord collectif que dans les deux mois à partir de la date de publicité de l’accord dans la nouvelle base de données publique créée par la loi Travail (contre une prescription de 5 ans auparavant).
- Par de nouvelles garanties données aux employeurs, qu’il s’agisse du plafonnement de l’indemnité de rupture abusive (pour certains employeurs, la peur de la rupture du contrat de travail et des indemnités à payer constituerait un frein à l’embauche). Qui plus est, l’employeur qui a envoyé une lettre de licenciement dont la motivation laisserait à désirer, a désormais la faculté d’en préciser les motifs dans les 15 jours de la notification de la rupture.
- Par le développement des modes de rupture conventionnelle. Une possibilité de limiter les contentieux et promouvoir la sécurité juridique des parties est d’encourager les ruptures amiables de contrats de travail. La plupart des pays connaissent le principe de la rupture amiable en droit social. Toutefois, aucun pays n’est allé aussi loin que la France en la matière. Rappelons qu’avant 2008, le système français était marqué par une absence de recherche de consensus dans le traitement de la rupture du contrat du travail. Certes la rupture amiable était envisageable, toutefois elle était très peu mise en œuvre puisqu’elle ne permettait pas au salarié de toucher l’assurance chômage. Devant cette carence, le législateur a inventé un nouveau mode de rupture pour le contrat à durée indéterminée avec un contrôle administratif (loi n° 2008-596 du 25 juin 2008) : la rupture conventionnelle. Le système fonctionne bien, environ 40 000 ruptures conventionnelles seraient formalisées chaque mois. A y regarder de près ce mode de rupture est intéressant car il allie la volonté des parties de se séparer, la sécurité juridique de l’employeur, la protection du salarié, et la garantie pour ce dernier de toucher les prestations de chômage. Et ce n’est pas tout, puisque les ordonnances Macron ont désormais créé un système de rupture conventionnelle collective.
Quel regard porter sur ces réformes ? Certes, ces nouvelles dispositions qui s’inscrivent dans une volonté de simplification et de sécurisation ne sont pas spécifiques à la France. Mais, dans un pays marqué par le conservatisme, une telle réforme doit être marquée d’une pierre blanche. Faute de pouvoir toucher au sacro-saint Code du travail, la seule solution était de le biaiser ! Aristide Briand aimait dire que « la politique est l’art de concilier le désirable avec le possible ». Si on adhère à cette dernière citation, il faut reconnaître que les ordonnances Macron ont atteint leur objectif !