Économie Circulaire: reconnaitre le changement nécessaire (aussi) dans le milieu académique

Économie Circulaire: reconnaitre le changement nécessaire (aussi) dans le milieu académique

De nombreux acteurs sont invités à changer de perspective afin d’accélérer la transition vers l’économie circulaire. Le rôle du milieu académique dans cette transition repose également sur un changement de paradigme.

L’économie circulaire est un concept en pleine expansion depuis plusieurs années tant dans la pratique que dans le milieu académique. Bien qu’il soit encore difficile de donner une définition consensuelle de ce qu’est l’économie circulaire, trois principes fondamentaux la structure :

  1. Préserver et régénérer les systèmes naturels,
  2. Maximiser l’utilisation des matériaux et des produits,
  3. Supprimer, dès la conception, les déchets et la pollution.

De très nombreux événements sont organisés à différents niveaux à travers le monde (par exemple le Forum Mondial de l’Économie Circulaire, la conférence des Acteurs de l’Économie Circulaire ou celle de la Société Internationale pour l’Économie Circulaire, ou encore les Assises Québécoise de l’Économie Circulaire parmi beaucoup d’autres), et des plateformes ont été développées (par exemple la Plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire, la Plateforme pour accélérer l’Économie Circulaire, Économie Circulaire.org, etc.) pour promouvoir cette transition, présenter des initiatives innovantes et mettre à disposition des ressources pour accélérer la transition.

Également, et puisque l’économie circulaire repose sur un changement systémique, ces espaces réels ou digitaux sont également l’occasion de favoriser les interactions entre des acteurs provenant généralement d’horizons très variés : les entreprises désireuses d’embrasser le nouveau modèle bien sûr, mais également des OBNL et des coopératives, le milieu des affaires et le milieu financier, différents paliers gouvernementaux, l’administration des villes, des étudiants et le milieu académique.

En plus de permettre de faire le point sur la nature et le développement de l’économie circulaire dans les pays hôtes et dans le monde, ces évènements et ces plateformes sont l’occasion pour les acteurs d’échanger et de s’éduquer sur les thèmes centraux de l’économie circulaire : optimisation des procédés, écoconception et mise en place de circuits courts pour réduire la consommation des ressources ; symbioses industrielles et territoriales et métabolisme urbain pour déployer l’économie circulaire à l’échelle des territoires ; ou encore économie collaborative, économie de fonctionnalité, reconditionnement et réparation pour intensifier l’usage des produits et prolonger leur durée de vie.

Un nécessaire changement

Ces espaces d’échanges invitent également à se questionner sur le rôle que chaque acteur peut jouer dans le déploiement de l’économie circulaire. Et de façon récurrente apparait alors un enjeu central : celui de la nécessité d’un changement profond de point de vue, de valeurs, de culture.

Chez les entreprises d’abord, qui sont généralement invitées à reconnaître la valeur et le potentiel de ce nouveau modèle d’affaires, mais également à repenser leur définition de la croissance et leur responsabilité vis-à-vis de la gestion des matières résiduelles. Chez les citoyens ensuite, également interpellés dans leur responsabilité à repenser leur bien-être, notamment en valorisant l’usage et la réparabilité des produits plutôt que leur possession et leur nouveauté.

Le milieu financier aussi est convié à repenser ses activités, notamment en développant la finance durable et les indicateurs Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG). Également, les gouvernements sont non seulement invités à réviser la fiscalité en développant une écofiscalité qui intègre la préoccupation sociale, mais également à repenser l’usage des normes, d’une part pour permettre l’innovation soutenant le développement de l’économie circulaire mais aussi, et surtout, pour en faire une obligation.

Dans ces échanges, le milieu académique, lui, est encore trop peu interpellé. Sinon pour insister sur le rôle de l’enseignement supérieur et des recherches à impact dans le développement de l’économie circulaire, mais également sur la nécessité d’un engagement envers les décideurs publics pour diffuser ces recherches afin qu’ils ou elles puissent en tenir compte dans la création et le déploiement de leurs politiques.

Si la première tâche relève des activités régulières des chercheurs et chercheuses, la deuxième, elle, est loin d’être aussi évidente. Elle demande aux scientifiques de travailler à l’interface avec les politiques publiques et la société civile.C’est une activité spécifique, qui requiert non seulement des compétences spécifiques, mais également un changement de point de vue de la part des scientifiques et de leurs institutions.

Un nouveau rôle et de nouvelles compétences pour les académiques

Les Interfaces Science-Politique – objet actuel de nos recherches – est un champ particulier d’études et d’activités lui aussi en pleine expansion (particulièrement au Canada) bien que moins connu du grand public. De nombreux auteurs s’accordent pour reconnaitre que certains changements sont nécessaires dans le milieu académique pour développer ce nouveau rôle :

  1. Reconnaître que le développement de recherches scientifiques en vue de participer activement et efficacement à l’élaboration de politiques repose sur un processus dynamique et inclusif d’échange de connaissances qui ne caractérise pas l’activité académique « classique »;
  2. Valoriser ce nouveau rôle spécifique d’interface, tant par les scientifiques eux-mêmes que par leur institution. Une mobilisation efficace des connaissances produites par la recherche demande, dans ce contexte, d’aller au-delà de la publication d’articles dans des revues à hauts facteurs d’impact qui ne sont bien souvent diffusés que dans une communauté restreinte ;
  3. Finalement, entretenir une certaine humilité. Ou plutôt appliquer à soi-même ce que la science, justement, demande : être critique, reconnaître les limites et les incertitudes nécessairement associées aux connaissances scientifiques. Cela implique de valoriser les points de vue multiples, ainsi que la science participative.

Cartographie des compétences collectives essentielles pour les chercheurs et les décideurs actifs dans l’interface science-politique (Traduction libre. Source : The European Commission’s science and knowledge service – Joint Research Center Science Hub Communities)

En plus de ces changements de perspectives, un ensemble de compétences collectives spécifiques seront nécessaires à leur nouveau rôle d’interface, telles qu’illustrées par la cartographie suivante proposée par le Service des sciences et de la connaissance de la Commission européenne :

Les enjeux auxquels nos sociétés doivent aujourd’hui faire face sont complexes. Le développement de l’économie circulaire en est un parfait exemple. Afin de répondre efficacement à ces enjeux, les scientifiques seront nécessairement appelés à travailler étroitement avec les décideurs politiques et avec les communautés.

Est-ce que cela signifie que tous les chercheur.e.s et tous les professeur.e.s doivent dorénavant travailler à ces interfaces ? Non, tout comme il apparaît évident que celles et ceux qui le souhaiteront ne pourront assumer ce nouveau rôle d’interface en plus de leur charge de travail considérable, en particulier en début de carrière. Il appartient donc à l’ensemble de la communauté scientifique et académique de reconnaître et de valoriser la diversité d’actions possibles – et souhaitables – que peut entreprendre la science moderne pour faire face aux enjeux complexes actuels.

Yoann GuntzburgerProfessor of Management, KTO Research Centre, SKEMA Business School - University Côte d'Azur, France, GREDEG

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Marine HadengueProfessor of Innovation Management, KTO Research Centre, SKEMA Business School - University Côte d'Azur, France, GREDEG

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