Jeux olynguistiques : quand apprendre le portugais devient un sport collectif

Jeux olynguistiques : quand apprendre le portugais devient un sport collectif

Et si apprendre le portugais était une épreuve olympique ? C’est le pari réussi par Fernanda Coelho, professeur de Portugais à SKEMA Business School, dont les étudiants de trois continents ont organisé de véritables jeux favorisant leur apprentissage.

Avant même leur commencement, l’esprit des Jeux olympiques de Paris 2024 a soufflé sur les campus de SKEMA. Depuis 2022, les Jeux olynguistiques sont organisés des deux côtés de l’Atlantique : de Belo Horizonte à Paris, en passant par Raleigh, Lille et Sophia-Antipolis. La rencontre innovante du sport et des langues pour favoriser l’apprentissage du portugais et la diffusion des cultures lusophones : « mais rápido, mais alto, mais forte ».

Les étudiants, regroupés en équipes de trois ou quatre, sont chargés de concevoir et de développer des jeux, en s’inspirant de diverses sources liées aux Jeux Olympiques, mais pas seulement. Les sports non-olympiques et les jeux de société qui comprennent une dimension physique sont aussi acceptés. L’essentiel étant que le mouvement soit présent dans la création des jeux.

Les règles des Jeux

Ce projet pédagogique permet de réinventer les méthodes d’évaluation en langue portugaise, niveau débutant, du Programme Grande Ecole (PGE) et d’enrichir l’expérience d’apprentissage, tout en développant des compétences et en favorisant l’hybridation des connaissances et l’implication des étudiants.

Ces derniers reçoivent des consignes claires et précises et connaissent à l’avance les quatre critères d’évaluation : l’originalité et la créativité, la présentation orale, le travail en équipe et la production audiovisuelle. Chaque épreuve doit se composer de deux étapes principales :

  1. Les étudiants de L3 et M1 du PGE se réunissent pour mettre en place leurs idées : déterminer les objectifs pédagogiques de leur épreuve, les mécanismes du jeu, les règles à suivre et le matériel nécessaire. Cette phase collaborative leur permet de structurer le projet de manière cohérente et créative.
  2. Ensuite, les équipes doivent présenter leur épreuve olynguistique sous forme de vidéo. Ces présentations donnent la possibilité de démontrer l’application des concepts développés et de partager les idées mises en place. Les vidéos sont en effet mises en ligne et visionnées par tous les groupes concernés, en salle de cours.

Cette phase de création collective encourage la collaboration, la recherche, l’échange d’idées et le développement de compétences essentielles telles que la résolution de problèmes, la créativité, la communication et la gestion du temps. Ici, la méthode d’évaluation se concentre sur les performances et les compétences des apprenants plutôt que sur une évaluation traditionnelle des connaissances uniquement linguistiques.

C’est une mise en pratique des théories de Jean Piaget, qui soutient que les jeunes assimilent des connaissances par l’action. Selon lui, les jeunes sont des acteurs actifs de leur propre apprentissage, ils construisent leur compréhension du monde à travers des interactions dynamiques avec leur environnement.

Ces activités physiques favorisent non seulement la motivation et l’engagement des étudiants, mais aussi leur perception spatiale et leur capacité à résoudre des problèmes. En manipulant des objets et en participant à des jeux dynamiques, les étudiants améliorent leur coordination et leur compréhension des instructions en portugais. De plus, le mouvement stimule la plasticité cérébrale et renforce les connexions neuronales impliquées dans l’apprentissage. L’intégration du mouvement permet d’optimiser le développement cognitif et d’améliorer l’acquisition de nouvelles compétences linguistiques.

La mémoire dans l’effort

D’autres recherches ont également influencé une partie de la réflexion à la base de la création des Jeux olynguistiques : celles de Paul MacLean, neurophysiologue des années 1960, connu pour sa théorie du cerveau triunique. Il distingue trois structures cérébrales interconnectées : le cerveau reptilien, le système limbique et le néocortex. Même si la totale indépendance de trois cerveaux clairement distincts est aujourd’hui remise en question par de nombreux scientifiques, cette théorie souligne l’importance des émotions et des processus biologiques dans l’apprentissage et la mémoire.


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L’un des jeux créés par les étudiants implique des scénarios où les participants doivent collaborer pour résoudre des énigmes linguistiques pendant des activités physiques intenses, comme une chasse au trésor sportive. Ce format suscite des émotions fortes, telles que l’excitation et la satisfaction, qui sont associées au système limbique du cerveau. Ces émotions renforcent la mémorisation des nouveaux mots et phrases en portugais, car elles créent des expériences marquantes et mémorables. Lors des retours d’expérience, la mémorisation du vocabulaire arrive d’ailleurs en tête des connaissances acquises. « C’est très ludique et efficace pour retenir du vocabulaire et des tournures de phrases en portugais, commente par exemple Anaëlle Vucemilovic (L3, Paris). Les projets comme celui-ci où je peux exprimer ma créativité sont ceux que je préfère. »

La théorie de l’Autodétermination de Deci et Ryan (1985) souligne aussi l’importance des émotions dans l’apprentissage. Selon elle, la motivation intrinsèque (motivée par l’intérêt personnel et le plaisir) et la motivation extrinsèque (motivée par des récompenses externes) sont toutes deux essentielles à l’engagement des étudiants. Le plaisir qu’ils éprouvent à concevoir et à jouer ces jeux renforce leur motivation intrinsèque. La motivation extrinsèque, soutenue par la reconnaissance et l’environnement stimulant, comme les salles de cours et les espaces extérieurs transformés en aires de jeu, contribue également à créer un environnement d’apprentissage dynamique. « Les Jeux Olynguistiques permettent d’apprendre le portugais dans un contexte original et amusant », confirme Pauline Levacher (L3, Lille).

Le plus grand terrain de sport

Le projet remet en question l’environnement de classe traditionnel en créant un milieu flexible qui permet l’adaptation et la réorganisation de l’espace physique en fonction des besoins d’enseignement. Les étudiants utilisent différents types d’espaces d’apprentissage. Tout y passe : les couloirs, les escaliers, les toits, la rue, les parcs, les stades, les gymnases, les magasins, et même leur propre domicile.

De même, différentes disciplines sont convoquées dans ce grand terrain de sport : la linguistique, l’éducation physique, la culture, l’histoire, la communication, l’utilisation d’outils numériques…

Un groupe s’est lancé dans une série de jeux sportifs où les joueurs devaient répondre à des questions sur le sport et mémoriser du vocabulaire spécifique à chaque étape. Un autre a créé le jeu « SKEMA Express », inspiré du célèbre jeu télévisé « Pékin Express ». Les joueurs ont « voyagé » à travers plusieurs pays lusophones, du Portugal à l’Angola, en répondant à des questions sur la géographie et la culture de chaque destination.  Ils ont exploité les espaces de l’école pour simuler les pays, en décorant différentes salles avec les drapeaux des pays lusophones tels que l’Angola, le Cap-Vert et le Brésil.

100 % des répondants admettent avoir amélioré leurs compétences en portugais. Mais au-delà, les Jeux olynguistiques transmettent aussi les valeurs du sport, à commencer par la collaboration et la créativité.

 

Fernanda Coelho

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