La Covid-19 n’aura pas raison de l’essor de l’e-sport

La Covid-19 n’aura pas raison de l’essor de l’e-sport

Toutes les compétitions et les spectacles rassemblant du public dédiés à l’e-sport ont été touchés par la pandémie. De nombreuses organisations spécialisées ont ainsi enregistré une nette perte de chiffre d’affaires. La société suédoise Modern Time Group, l’un des poids lourds du secteur, s’attend par exemple à ce que les revenus des sports électroniques de l’année diminuent de 30 à 40 % cette année.

Initialement annoncées aux alentours de 1,1 milliard de dollars, les recettes mondiales attendues avoisineraient les 950 millions de dollars, soit un recul de 0,8 % imputable à l’annulation des tournois et des compétitions.

Des prévisions au beau fixe

Pour autant, les prévisions à long terme restent favorables pour l’e-sport. Les recettes mondiales devraient atteindre ainsi 1,6 milliard de dollars en 2023. La majorité des revenus proviendront du parrainage et de la publicité, et pour une partie plus marginale des droits médiatiques, des frais d’édition, du merchandising des billets, du numérique et du streaming.

L’impact reste moins catastrophique que prévu car l’audience online reste conséquente. Le nombre d’amateurs d’e-sport atteindrait les 92 millions de personnes en Europe d’ici fin 2020, soit une augmentation de 7,4 % par rapport à 2019. En outre, sur les 12 derniers mois en France, près d’un tiers des 18-45 ans (29 %), majoritairement masculins, ont consommé des contenus e-sportifs online.

La dernière édition du Z Event, marathon de jeux vidéo à but caritatif, regroupant les communautés de l’e-sport, du streaming et du gaming en général, témoigne plus largement du dynamisme de cet écosystème. Entre les 16 et 18 octobre derniers, de nombreux streamers français ont établi un nouveau record en récoltant 5,7 millions d’euros pour Amnesty International.

Des éditeurs agiles

Pour développer cette audience, les professionnels du secteur ont redoublé d’imagination, établissant de nouvelles stratégies face à la crise de la Covid-19, basculant tout ou partie de leur activité online.

L’exemple le plus frappant reste celui de la League of Legends European Championship (LEC) proposée par l’éditeur américain Riot Games. Cette compétition initialement prévue du 24 janvier au 21 mars 2020, s’est retrouvée temporairement suspendue à cause de la Covid-19.

En raison de la pandémie de Covid-19, le championnat européen de League of Legends s’est joué sans public. Flickr, CC BY-NC-ND

Afin de finir la compétition dans de bonnes conditions, le règlement a été spécialement adapté aux mesures de restriction et chaque équipe a eu la possibilité de jouer depuis ses propres locaux. Riot Games s’est employé à offrir tous les moyens techniques pour assurer la pérennité de la compétition (serveurs, caméras, arbitrage à distance).

Un effort payant, puisque les différentes compétitions organisées cet été ont connu des augmentations d’audience de 16,7 % à 30 % par rapport aux compétitions du printemps, alors qu’on assiste habituellement à des baisses de 20 à 30 % entre celles du printemps et de l’été.

Une ruée des investisseurs

Aux yeux des investisseurs, ces prévisions de recettes mondiales, le nombre de fans et l’agilité du secteur constituent des bases solides. Les levées de fonds observées depuis mars 2020 montrent d’ailleurs concrètement que cette industrie reste très attractive et surtout très rentable.

Parmi les plus spectaculaires relevées durant le confinement, on notera celle de l’organisation professionnelle américaine d’e-sport FaZe Clan, qui a levé 40 millions de dollars.

On retrouve également celle du projet de Guild Esports : une équipe professionnelle, parrainée par David Beckham, qui a annoncé un projet d’introduction en bourse à Londres pour lever des fonds et recruter de nouveaux joueurs. Actuellement, Guild Esports espère atteindre une valorisation de 50 millions de livres.

En France, si les chiffres restent moins spectaculaires, la tendance se confirme. Le leader mondial du cloud gaming (jeux vidéos en streaming) Gamestream, a décroché une somme de 3,5 millions d’euros. Quelques mois plus tard, l’équipe marseillaise de joueurs professionnels, MCES, a levé 2,5 millions d’euros tandis que la start-up Sorare a reçu 4 millions de dollars pour son jeu de « fantasy football » basé sur la blockchain.

Le fonds Serena a en outre investi 4,5 millions d’euros dans deux studios français : les studios Darewise qui développent un réseau social dans un monde virtuel (Life Beyond) et 8SEC qui conceptualise des jeux sur mobile grand public. En septembre, c’est la société Pandascore qui fournit des statistiques e-sportives, qui a levé 5 millions d’euros.

L’industrie e-sportive reste donc compétitive et attractive malgré les pertes financières de cette année. La crise n’enraye pas les perspectives : le secteur de l’e-sport est en train de se hisser au rang des sports traditionnels. Le dernier classement des 50 propriétés sportives les plus rentables le confirme : League of Legends se positionne aujourd’hui à la 12ᵉ place, devant la Formule 1, le tournoi de tennis de Wimbledon, ou encore la Coupe du monde féminine de football…

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Franck LuccisanoPhysical education teacher, SKEMA Business School

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