Paris a-t-il déjà perdu les Jeux olympiques ?

Paris a-t-il déjà perdu les Jeux olympiques ?

Pour un pays et une ville, les Jeux olympiques sont une occasion unique de rayonner et de laisser un héritage. Mais à quelques semaines de Paris 2024, la France et Paris peinent à projeter une image positive…

L’accueil par Paris des Jeux olympiques et paralympiques cet été offre à la France une formidable opportunité géopolitique. L’organisation du plus grand événement sportif au monde peut redorer l’image d’une nation, modifier la perception qu’on en a et l’aider à projeter son « soft power » dans le monde entier.

C’est à l’ancien président français François Hollande que l’on doit le succès de la candidature à l’organisation des Jeux de 2024, 100 ans après que Paris a accueilli les Jeux pour la dernière fois en 1924. Mais c’est Emmanuel Macron qui a pris plaisir à reprendre le flambeau dans sa quête d’une nouvelle vision de la France.

Certains pensent que la présidence de Macron était exactement ce dont les Jeux avaient besoin, étant donné sa quête apparente de transformer la France en une nation plus ouverte sur l’extérieur et plus progressiste. En effet, Macron s’est montré habile à manier le soft power par le biais du sport (y compris par ses efforts répétés pour que le footballeur Kylian Mbappé continue à jouer en France).

Une révolution sans médaille ?

Et certains éléments des prochains Jeux semblent assurément progressistes, qu’il s’agisse des épreuves de breakdance et des courses de BMX sur la place de la Concorde, des nageurs dans la Seine ou des mascottes androgynes. Tous ces éléments semblent illustrer la façon dont Paris veut être perçue par le monde – ouverte, accueillante et contemporaine – et reflètent la promesse de M. Macron d’être un « révolutionnaire en costume ».

Mais c’est là que les projets olympiques de la France pourraient commencer à tanguer. Nombreux sont ceux, en effet, qui voient en Macron un perturbateur plutôt qu’un grand réformateur.


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Même lorsque tout va bien, de nombreux Français regrettent que leur pays soit centré sur Paris. Le fait de braquer les projecteurs sur la capitale cet été pourrait accentuer ce sentiment et être exploité par les rivaux politiques de Macron à droite.

Dans le même temps, M. Macron et son parti Renaissance ont récemment semé la zizanie au sein de certains groupes. L’interdiction faite aux membres de l’équipe olympique française de porter des hijabs a, par exemple, été vivement critiquée, et les divisions sociales internes pourraient encore gâcher l’été sportif parisien.

La fracture sociale n’est nulle part aussi évidente à Paris que dans sa banlieue nord, où se trouvent également le Stade de France, le village des athlètes et plusieurs autres installations olympiques.

Le souvenir de la finale de la Ligue des Champions 2022…

Les pouvoirs publics espèrent que l’événement aura un effet bénéfique sur l’économie et qu’il entraînera la revitalisation de quartiers tels que Saint-Denis.

Mais certains observateurs restent sceptiques, estimant que les Jeux olympiques sont la dernière chose dont les habitants de Saint-Denis ont besoin, eux qui ont le niveau de vie moyen le plus bas de France métropolitaine.

D’autres soulignent le taux élevé de criminalité dans le nord de Paris. On se souvient de l’agression de supporters de Liverpool lors de la finale de la Ligue des champions 2022. Et malgré les nombreux discours sur le style parisien et le nouveau départ de la « marque France », la capitale jouit aujourd’hui d’une triste réputation en matière de délinquance.

Les Jeux olympiques étaient censés être un moyen de changer les perceptions, mais il reste à voir si l’événement y parviendra.

Une chose est sûre, l’excès de zèle de la police locale constaté lors de la finale de 2022 et les défaillances de la billetterie qui en ont découlé ne doivent pas se reproduire. Si tel était le cas, la réputation internationale de la France en serait sérieusement affectée.

Paris et l’ombre de la ville lumière

Assurer la sécurité des villes hôtes des Jeux olympiques est toujours un défi majeur. Mais après les manifestations de masse, les émeutes et les attentats terroristes de la dernière décennie, les problèmes de Paris semblent particulièrement aigus. Pourtant, il ne s’agit là que d’un des nombreux problèmes qui ont entravé les préparatifs olympiques.

Malgré les efforts déployés depuis des mois pour assainir la Seine, des voix s’élèvent toujours pour dire qu’elle est trop sale pour y nager. Pour démontrer le contraire, le maire de Paris a proposé de s’y baigner. Même le président Macron s’est dit prêt à faire de même.

Plus en surface, la ville a du mal à faire face à la densité du trafic. L’organisation des transports et les problèmes d’hébergement inquiètent certains responsables à l’approche des Jeux. Outre les insistantes allégations selon lesquelles les hôtels seraient infestés de punaises de lit, la ville fait face à une pénurie d’hébergements alors que la valeur locative des appartements qui pourraient recevoir des visiteurs a grimpé en flèche au cours des derniers mois.

Par ailleurs, le prix des billets des transports publics va presque doubler et les taxes de séjour dans les hôtels vont tripler avant les Jeux. Certains groupes industriels redoutent que ces dernières nuisent à leurs activités et, plus largement, à l’image de la France à l’étranger.

À la fin du mois de septembre, il se pourrait que de nombreuses personnes à travers le monde aient une vision beaucoup plus positive de la France et de sa capitale. Si c’est le cas, c’est à M. Macron que reviendra le mérite d’avoir amélioré l’image de son pays à l’étranger.

Mais il n’est pas encore sur le podium. Les problèmes s’accumulent et pourraient bien compromettre l’un des projets phares du président pour projeter sa vision d’une nouvelle France.

Simon Chadwick

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Paul WiddopReader of Sport Business, Manchester Metropolitan University

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