Si l’enseignement supérieur a bien pris en compte la nécessité de répondre aux défis énergétiques, écologiques et humains d’aujourd’hui, il a tendance à s’enfermer derrière les murs de la faculté. Pour que ses recherches soient utiles, elles doivent se connecter au monde réel et inclure toutes les parties prenantes à la réflexion.
C’est une remarque qui peut sembler réjouissante mais qui est en fait inquiétante. Parler de la transformation des entreprises dans les écoles de droit, les écoles de commerce ou les écoles d’ingénieurs est devenu presque banal. La création de cours ou de programmes destinés à sensibiliser aux concepts du développement durable ou, plutôt, à enseigner les nouvelles pratiques de transformation des modèles de gestion des entreprises est devenue monnaie-courante parce qu’il existe une demande du marché.
À la recherche d’un nouveau paradigme
La prise en compte des piliers ESG (environnement, social et gouvernance) et des outils d’analyse qui en découlent au sein des établissements d’enseignement supérieur est également un sujet de plus en plus central, notamment en matière de finance et de gouvernance durables. Les établissements d’enseignement supérieur intègrent de nouvelles formes de gestion d’entreprise dans leurs programmes, qui sont désormais soumis aux changements réglementaires et aux attentes d’un marché qui attend des offres de services et de produits responsables.
Seulement, ces avancées significatives des institutions éducatives sont largement insuffisantes face aux impératifs écologiques, alimentaires et de biodiversité. Je n’irais pas jusqu’à parler de greenwashing, mais de la nécessité pour ces établissements d’investir dans des recherches pertinentes sur le sujet.
À lire aussi : Face à l’urgence écologique, comment transformer les programmes des grandes écoles et universités ?
Le terme de transformation en appelle un autre, celui de transition écologique. Ce dernier nous invite à entrer dans un nouveau paradigme, dans le cadre de l’évolution nouvelle des entreprises au regard de la gestion des sources d’énergie, des formes de consommation et de la prise en compte de l’inclusion dans nos sociétés.
Demain n’est pas un autre jour
Les échéances de la transition énergétique se précisent. Au-delà de la guerre en Ukraine, qui complique encore le contexte de manière plus radicale, le temps s’accélère.
En ignorant les climato-sceptiques (et il y en a beaucoup dans certaines parties du monde), avec ceux qui croient en la science et constatent l’impact du changement climatique sur la planète et la société humaine, les prévisions pour ce siècle semblent très crédibles. De nombreuses organisations publiques et privées alertent sur le seuil d’irréversibilité pour la planète qui pourrait être franchi d’ici 2030 ou 2050. C’est demain !
Est-il encore possible d’inverser la tendance ? Certains affirment même qu’il est déjà trop tard. Mais si nous sommes déterminés, si nous croyons au pouvoir des êtres humains et dans leur capacité à créer des solutions et des connaissances scientifiques (même si pour le meilleur ou malheureusement pour le pire par le passé), si nous parions sur leur pouvoir de transformation, il est encore temps d’agir ! Telle est notre position à SKEMA Business School.
Du monde des idées au monde réel
La question est la suivante : comment pouvons-nous changer les organisations ou les entreprises, revoir la façon dont nous avons pensé jusqu’alors, et donc comment notre progrès scientifique constant et notre attention éthique collective peuvent-elles avoir dorénavant un impact positif sur la prise de décision dans ces processus de transformation ? Elle concerne les employés, les managers, les clients et les écosystèmes qui doivent être intégrés à la réflexion. Cette question marque les limites de la connaissance isolée dans une école de commerce, de droit ou d’ingénieurs ou autres, si non croisée de façon transversale avec les autres domaines scientifiques.
Seules des recherches scientifiques interdisciplinaires et interconnectées pourront développer des cadres théoriques pertinents. Sans oublier qu’il n’y a pas de meilleur moyen de rendre un concept utile qu’en le confrontant au monde réel. La coopération du monde scientifique avec le monde économique, politique et social peut apporter des réponses concrètes, applicables, efficaces et cela dans un temps accéléré.
Les enseignants-chercheurs, en outre, doivent fournir des méthodologies et des outils de gestion et de prises de décision pour aider les décideurs dans les entreprises.
Charité bien ordonnée…
Nous vivons une révolution des paradigmes de l’enseignement. Le monde scientifique doit réfléchir aux façons dont l’entreprise peut devenir un acteur pour façonner l’imaginaire de consommateurs coresponsables de la transition écologique ? Et au-delà de l’imaginaire, à comment mettre en place concrètement une communication efficace et transparente sur l’offre proposée ? Une approche très concrète, celle de labels ou d’indicateurs, fruits d’une analyse scientifique, est une réponse. Mais cette possibilité est déjà remise en question par certaines industries, qui y voient un risque majeur de perte de marché. On voit ici également l’importance des recherches dans le domaine public.
Naturellement, la réforme des modèles de gestion des entreprises impliquera une révision de la politique de prix. Pour trouver un prix juste qui devra probablement intégrer de nouveaux coûts, tout en valorisant la disparition des coûts cachés qui n’étaient pas dévoilés jusqu’à présent, comme par exemple les préjudices environnementaux qui affectent la santé et les équilibres de vie et coûtent cher à la société.
Tous ces éléments sont des pistes de renouvellement de la recherche en gestion à diffuser au plus vite ! Mais « charité bien ordonnée commence par soi-même ». ll faut appliquer à l’enseignement supérieur les préceptes et les conseils que nous voudrions donner aux autres.
Le devoir des établissements d’enseignement supérieur est de montrer l’exemple. Et de réenvisager au plus vite leur contribution à la société, leurs offres de programmes et leur propre fonctionnement. Ils doivent emprunter la voie de la transition écologique avec la même urgence que celle qui s’impose à nous tous !