Isolement, conduites déviantes… Les jeux vidéo et les compétitions esportives n’ont pas toujours bonne presse. Si des déviances et des conduites à risque sont bien présentes, cet angle de vue occulte trop souvent les aspects positifs de cette pratique et notamment sa plus-value pédagogique dans le cadre d’une pratique raisonnée.
Une étude de l’Institut Royal de Melbourne datant de 2016, a effectivement montré que les joueurs réguliers pratiquant l’esport au lycée, ont une performance scolaire significativement supérieure en lecture, mathématiques et sciences (International Journal of Communication, 2016).
Ricky Jennings décrit le phénomène esport et ses bénéfices pédagogiques. Parmi les soft skills qui sont stimulés par cette pratique au sein des écoles et universités, il liste la collaboration, la communication, la rigueur, la gestion de ses émotions en situation stressante et la confiance en soi.
Or dans une économie qui se digitalise à grande vitesse, de plus en plus d’entreprises cherchent à recruter des collaborateurs possédant ce type de compétences. C’est précisément ce que montre Julie Atlan dans l’étude (Soft skills, cartographie des compétences, 2019). Elle pointe le Top 5 des soft skills les plus recherchés selon LinkedIn en 2019 : la créativité, la persuasion, la collaboration, l’adaptabilité, et la gestion du temps.
Un impact positif sur l’acquisition de certains soft skills
La créativité est l’un des soft skills les plus développés par la pratique des jeux vidéo. Les enfants qui passent du temps à jouer et à explorer des mondes virtuels sont plus susceptibles de devenir des artistes, des ingénieurs, des scientifiques ou encore des inventeurs. Une étude menée par la Michigan State University (« MSU ») sur près de 500 jeunes Américains de 12 ans a révélé que plus les enfants jouaient aux jeux vidéo, plus ils étaient créatifs dans des tâches telles que le dessin ou l’écriture d’histoires. (Jeu vidéo: un passeport vers la créativité ! https://www.out-the-box.fr/).
Pour la persuasion, c’est plus ambigu. Le concept de jeu persuasif a été développé par Ian Bogost (2010) qui évoque la rhétorique des jeux vidéo, notamment utilisée dans le domaine de la politique et de la publicité. Premiers combats ou Happy Night-Club, par exemple, qui prétendent modifier des comportements relèvent incontestablement de la persuasion. Pour autant, s’ils ont pour vocation de persuader, ils ne développent pas la persuasion. Ce soft skill se retrouve dans des rôles spécifiques tel que celui de Shot Caller ou de leader stratégique d’une équipe (CS-GO ; League of Legends). A ce poste, le pratiquant doit réussir à faire partager sa vision du plan de jeu. Il doit persuader son équipe du bien-fondé de ses directives.
Par contre, on peut avancer que la pratique des jeux vidéo favorise, effectivement, la collaboration entre les joueurs d’une même équipe. Dans le jeu League of Legends, les 5 joueurs d’une même équipe, aux rôles bien définis – top, jungle, mid, adc, support – s’organisent face à une autre équipe sur une carte avec pour but de détruire la base adverse : le Nexus. Tous les membres de l’équipe collaborent ensemble dans un projet commun. Ils communiquent, établissent des stratégies, des actions individuelles et collectives pour vaincre l’équipe adverse. Le jeu étant d’une grande complexité, la collaboration se doit d’être optimale pour performer.
Selon une récente étude britannique (2013), les jeux vidéo d’action, comme Starcraft, peuvent améliorer les capacités d’adaptation et la réactivité du cerveau. Des chercheurs de l’université Queen Mary de Londres et de l’University College London ont recruté 72 personnes et ont mesuré leur “adaptabilité cognitive“, ce qui n’est autre que la capacité qu’a une personne à s’adapter, à passer d’une tâche à l’autre, à jongler entre plusieurs idées en même temps pour résoudre un problème. Leur étude montre que l’adaptabilité cognitive, pierre angulaire de l’intelligence humaine, n’est pas un trait statique mais que l’on peut la travailler et l’améliorer en utilisant des outils ludiques comme le gaming. (Brian D. Glass, W. Todd Maddox, Bradley C. Love, 2013).
Enfin, soulignons que la vitesse de prise de décision de personnes qui jouent à des jeux d’action est sensiblement plus rapide. Les jeux vidéo qui ont un rythme effréné demandent typiquement d’être réactifs afin d’éviter de se faire tuer. Dans ce type de jeu, la gestion du temps est omniprésente. D’après des scientifiques de l’Université de Rochester, dans les situations de la vie réelle, les joueurs actifs ressentent mieux ce qui se passe autour d’eux et sont capables de prendre des décisions plus rapidement (Daphne Bavelier, 2010).
Loin des idées reçues sur les méfaits des jeux vidéo, on mesure distinctement les bénéfices que peut avoir une pratique éclairée du esport dans l’enseignement supérieur. On notera également qu’ils ont ouvert le champ à de nouvelles formes de relations sociales qui abolissent la distance créée par le média auprès d’une génération qui a justement acquis ces soft skills dans un environnement virtuel.