Dans un monde complexe, il n’est plus possible de se contenter de savoirs approfondis mais disjoints. La consilience ou « convergence des savoirs » est une manière d’approcher les problèmes et les défis de notre temps par le fait de relier les savoirs (Edgar Morin).
Une société complexe est une société caractérisée par la spécialisation de chacun dans des activités au champ réduit. Dans La richesse des nations, Adam Smith, peut-être inspiré par le penseur grec Xenophon, soulignait que la division du travail favorise la spécialisation, qui rend la société plus prospère au travers d’une plus grande productivité. Néanmoins, il s’inquiétait également des répercussions pour les capacités mentales et morales du travailleur d’une spécialisation à outrance. L’individu ultraspécialisé, empêtré dans les mêmes tâches, devient incapable de développer son intelligence, de former des jugements raisonnables, et de prendre part aux grands débats animant son pays. La spécialisation nous rend ainsi meilleurs dans ce que nous faisons ou étudions spécifiquement mais nous rend incapables de traiter d’une manière adéquate des questions n’appartenant pas à notre champ de compétence ou dépendant d’autres domaines.
Il est pourtant indéniable que le monde d’aujourd’hui ne peut être compris sans combiner de multitudes disciplines. La pandémie actuelle (SARS-CoV-2) est un exemple frappant. Sa naissance est liée à la biodiversité et l’écologie. Sa diffusion est fonction de la démographie, sociologie, de l’urbanisation, et de l’économie. Les réponses apportées combinent droit, politique, médecine et éthique. Y aurait-il un sens de tenter d’analyser cette pandémie sous une seule perspective ?
C’est pourquoi nous recourons à la notion de « consilience ». Nous définissons ce concept, emprunté au polymathe William Whewell du XIXe siècle, comme la nécessité de recourir à différentes disciplines, les combiner, dans un processus dialectique pour analyser pleinement un fait observé. En faisant œuvre de transdisciplinarité, il devient possible de davantage contextualiser les savoirs, d’articuler les dimensions locales et globales, d’examiner un problème dans ses multiples dimensions, pour, finalement, apporter des solutions aux effets maitrisés. Cette démarche s’inscrit dans le droit fil de l’humanisme et son idéal « d’homme universel » mais aussi des Lumières dont Kant a résumé le projet par cette devise fameuse : « Sapere Aude » (ose savoir).
C’est l’ambition de SKEMA que de proposer régulièrement des chroniques de la consilience, des articles qui, sur un sujet précis, ambitionnent de croiser les approches et multiplier les regards. Notre idée n’est pas de fusionner les disciplines mais de les faire entrer dans un dialogue fécond et éclairant. C’est en tout cas le défi que nous nous lançons.