La fonte des glaces, un sujet brûlant : le rôle de la confiance dans la navigation sur l’Océan Arctique

La fonte des glaces, un sujet brûlant : le rôle de la confiance dans la navigation sur l’Océan Arctique
Study co-author Steffen Olsen (Danish Meteorological Institute) during an extreme event of flooding of sea ice by abrupt onset of surface melt in Northwest Greenland. The team was retrieving oceanographic moorings and weather station on sea ice. Photo credit: Steffen Olsen / DMI

Pendant les mois d’été, la fonte de la banquise arctique contraint les scientifiques à développer au plus vite de nouveaux moyens de cartographier et d’anticiper la présence de glace dans l’océan Arctique. Dans le cadre de notre nouvelle recherche, nous avons repéré 7 facteurs clés qui favorisent la confiance envers les nouveaux outils de mesure de la banquise. Mais le dernier obstacle à l’adoption totale des nouveaux produits de prévision est de nature institutionnelle et politique...

Prévisions environnementales pour des opérations maritimes sûres et durables

Dans l’océan Arctique, les conditions environnementales évoluent de plus en plus rapidement en raison du changement climatique. Dans le même temps, les activités humaines devraient se multiplier dans la région. Le caractère toujours plus imprévisible des phénomènes liés à la banquise pose des problèmes d’adaptation.

Tous les secteurs et toutes les communautés sont concernés. Les pêcheurs et les chasseurs doivent connaître l’état de la banquise et savoir si elle est suffisamment stable avant de pouvoir l’emprunter. Les marins doivent quant à eux connaître les tendances en haute mer et identifier des passages sûrs au milieu des géants de glace. La demande d’informations pertinentes concernant la banquise est donc en hausse. Il s’agit de garantir la sécurité et le caractère durable des opérations dans la région.

Les services nationaux et d’autres agences développent en continu des produits d’information liés à la banquise. Pour obtenir des données fiables et exploitables, les services de prévision environnementale ont constamment été adaptés aux besoins des utilisateurs, en s’appuyant sur un processus de coproduction qui implique ces derniers. Cette image met en avant la coproduction (Steffen Olsen est en route pour mesurer l’épaisseur de la glace avec des chasseurs groenlandais) et le type d’événement extrême qui rend indispensable la hausse des capacités prévisionnelles en Arctique (ici, l’inondation de la banquise suite aux fontes des glaces).

Mais l’amélioration des outils de cartographie et de prévision ne portera ses fruits que si le secteur maritime les adopte à des fins opérationnelles. Cela dépend de très nombreuses questions, et notamment de la confiance des utilisateurs. Notre étude porte sur les aspects qui favorisent ou détériorent la confiance qu’inspirent ces nouveaux produits, et sur le fait de savoir si les utilisateurs et les concepteurs s’accordent sur ces éléments. Si les deux parties parviennent à un consensus, cela tendra à prouver l’efficacité du partage d’informations dans le cadre des activités de coproduction.

Sept facteurs pour promouvoir la confiance dans les produits d’information sur les glaces

Notre enquête en ligne sur les concepteurs et les utilisateurs d’outils de prévision a été évaluée à l’aide d’une méthode analytique largement reconnue. Les concepteurs et les utilisateurs s’accordent sur sept facteurs qui favorisent la confiance dans les nouveaux produits : la réputation du concepteur ; l’ergonomie du produit ; le contrôle ; la transparence (en ce qui concerne les incertitudes, notamment) ; les performances ; l’intégration ; et l’approbation par d’autres utilisateurs.


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Il est intéressant de noter que les utilisateurs ont davantage confiance dans les produits des entités publiques que dans ceux des concepteurs privés. Par ailleurs, les références coproduites avec les utilisateurs sont jugées plus fiables que les autres. Généralement, les utilisateurs ont davantage confiance dans les produits recommandés par leurs pairs ou leurs collègues, tandis que les recommandations d’un scientifique ont moins d’importance. Les utilisateurs sont ouverts à un certain degré d’automatisation, mais ne sont pas prêts à accepter une automatisation totale. Ils souhaitent conserver leurs habitudes, les produits et les sources ayant fait leurs preuves. Ils ne souhaitent pas en tester de nouveaux.

Nous avons également identifié davantage de besoins en matière d’informations liées à la banquise, car la couverture spatiale ou dynamique des produits actuels ne permet pas de garantir les opérations maritimes dans l’Arctique. Autre élément important, les utilisateurs et les concepteurs s’accordent à dire que les utilisateurs ne connaissent pas suffisamment les produits d’informations sur la banquise déjà disponibles.

Le dernier kilomètre

Des efforts considérables ont été mis en œuvre pour financer des produits et services de prévision coproduits avec les utilisateurs. Le projet Umbrella, dans le cadre duquel notre étude a été menée, a également permis de coproduire de nombreux produits d’information sur la banquise pour les régions côtières du Groenland et du Svalbard. Citons par exemple un atlas des icebergs, des produits sur la banquise côtière, des cartes des glaces et des outils de prévisions saisonnières.

Mais si l’offre de produits exploitables s’étoffe, leur utilisation ne se répand pas en conséquence. Dans notre étude, nous soutenons que les transitions réglementaires et institutionnelles (c’est-à-dire les financements) sont essentielles pour combler ce fossé. Les concepteurs et les utilisateurs de ces produits s’accordent sur un certain nombre de possibilités d’amélioration qui permettraient de répandre leur adoption. Pour maximiser la valeur de la coproduction, il faut passer d’un modèle d’évaluation continue des déséquilibres entre l’offre et la demande (recherche de faits) à des investissements équilibrés dans la mise en œuvre des changements nécessaires (agir en fonction de ce que nous savons déjà).

Berill BlairProfesseur associé en sustainability (développement durable) à SKEMA Business School

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