Quels sont les bénéfices d’une pédagogie orientée “Learn-by-rising-to-the-challenge” ? L’exemple d’un Sales Challenge

Quels sont les bénéfices d’une pédagogie orientée “Learn-by-rising-to-the-challenge” ? L’exemple d’un Sales Challenge

Interview de Peter Spier, professeur de marketing, SKEMA Business School

Peter, pouvez-vous nous parler du Sales Challenge et du programme dans le cadre duquel il a été développé ?

Le Sales Challenge est organisé au semestre de printemps du MSc International Marketing and Business Development – c’est-à-dire au moment où la plupart des étudiants sont sur le point d’obtenir leur diplôme et de chercher un emploi. Ce MSc est l’un des seuls qui porte aussi bien sur le marketing que sur le développement commercial et les ventes. Cet équilibre fait sens puisque ces deux disciplines sont complémentaires. Pour les étudiants, il est pertinent de maîtriser les deux disciplines et ce programme offre également un large éventail de possibilités dans un secteur souvent sous-estimé.

En quoi acquérir des compétences en business développement ajoute-t-il de la valeur au marketing et vice-versa ?

D’une certaine manière, le marketing fournit les informations pertinentes sur le marché et le consommateur et le développement commercial permet de faire avancer les choses. Dans un environnement B2B, le marketing est souvent un soutien pour les grands comptes et le développement commercial. Dans l’univers des biens de consommation, les fabricants travaillent avec leurs partenaires de distribution pour toucher le consommateur final et les entreprises s’attendent le plus souvent à ce que les jeunes diplômés acquièrent de l’expérience dans leur domaine ou qu’ils passent à des postes de category management, de trade marketing ou de marketing. Dans une start-up, une même personne gère souvent les deux. En développement international, les étudiants seront plus facilement acceptés dans des postes de développement commercial. D’ailleurs, les postes dans ce domaine sont toujours bien plus intéressants que ce que les étudiants imaginent.

L’une des missions de ce Master est de faire découvrir aux étudiants l’univers des ventes et du développement commercial et de leur présenter toute l’étendue des méthodologies selon les secteurs. C’est précisément l’objectif du Sales Challenge et il est devenu un événement emblématique du programme : « Si je devais résumer ce challenge en quelques mots, je dirais adaptabilité, environnement stimulant, créativité et bien sûr… divertissement ! » –Aline Blois, étudiante SKEMA

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le Sales Challenge ?

Ce challenge rapproche les étudiants d’entreprises qui souhaitent promouvoir la vente en tant que carrière potentielle. Outre la découverte de différentes entreprises et techniques de ventes, les étudiants testent également leurs compétences au contact de professionnels aguerris grâce à des exercices de simulations. Nos entreprises partenaires sont désireuses d’explorer de nouvelles façons de collaborer avec les Business School. C’est aussi l’occasion de partager un moment important pour le MSc, de créer un réseau professionnel et de mettre les étudiants dans une situation stimulante d’apprentissage par la pratique.

Comment le challenge a-t-il évolué au fil des ans ?

Il a débuté à Sophia il y a cinq ans, puis il a été organisé à Paris. Cette année, il devait également avoir lieu à Lille et Suzhou mais le confinement lié au Covid-19 l’en a empêché. À Paris, il est proposé de façon facultative. Sur les autres campus, il clôture le cours de Business Development and Sales et sert d’évaluation.

Comment s’organise le challenge ?

Il est organisé sur deux jours.

Le 1er jour les entreprises présentent leur organisation et leur écosystème. Elles donnent un overview de leurs méthodes de ventes et exposent l’étude de cas soumise aux étudiants.

Le 2eme jour les étudiants se répartissent entre les entreprises et effectuent une simulation de vente individuelle. Ils reçoivent un feedback et sont notés par l’entreprise. À la fin de la journée, chaque société désigne ses trois vainqueurs.

Quel a été l’impact du COVID-19 cette année ?

Le challenge a été particulièrement compliqué ! Nous avons réussi à l’organiser à Sophia mais au moment où le challenge commençait à Paris, les mesures d’isolement ont été imposées. Il a été annulé à Lille et à Suzhou. À Paris, Akka Technologies a réuni trois équipes et nous avons réussi à effectuer des simulations avec la moitié des étudiants. Pour l’autre moitié, nous avons dû le faire par Internet. Mention spéciale d’ailleurs pour Jacquet Brossard, un nouveau partenaire qui a bien voulu se plier à l’exercice « C’était une expérience très originale, difficile par moments mais qui en valait la peine. Originale par son format, entièrement numérique. Difficile en raison de l’obstacle créé par la communication numérique… Mais qui en valait la peine car tous ces changements n’ont affecté en aucune façon le résultat de nos échanges. Nous avons été très agréablement surpris par la facilité d’adaptation à une version numérique et par le fait que malgré ses limites, elle nous a quand même permis de vivre une expérience enrichissante. » Emily Endo, RH Jacquet Brossard

Tout le monde conviendra que la version en ligne n’a pas la portée d’un challenge présentiel, mais c’était quand même une belle preuve d’agilité et d’inventivité face à l’imprévu !

Quel est l’impact d’un tel projet sur l’apprentissage ?

Les étudiants sont unanimes pour dire qu’il s’agit probablement d’une des expériences les plus stimulantes qu’ils vivent pendant leur cursus : « Le Sales Challenge était une expérience de deux jours incroyablement enrichissante, une superbe opportunité d’appliquer les concepts et les techniques de vente ainsi que de constituer un réseau avec les entreprises… ce concours a été une expérience d’apprentissage très amusante » –Thomas Vandel, étudiant SKEMA.

L’avis de nos partenaires vaut son pesant d’or lui aussi : « Notre objectif était d’inspirer les étudiants… À Sophia Antipolis, nous avons appris la singularité de cet exercice. L’expérience a été très positive, aussi bien en termes d’échanges, d’analyse de cas et d’engagement des étudiants. Elle nous a également rappelés la nécessité de rester innovants » – Emily Endo, RH Jacquet Brossard

En quoi est-ce une expérience d’apprentissage différente ?

Le challenge est une expérience d’apprentissage très formatrice. C’est une expérience individuelle (alors qu’une grande partie de ce que nous faisons dans « l’apprentissage par projet » se fait en groupe) et concrète dans la mesure où les étudiants sont confrontés à des situations de ventes réalistes et qu’ils sont évalués sur la base de critères professionnels. Elle porte l’apprentissage actif à un niveau supérieur : l’apprentissage basé sur le défi. Il ne s’agit pas seulement « d’application » mais d’une approche holistique qui s’appuie sur différentes compétences (intelligence émotionnelle et situationnelle, négociation, capacité de persuasion, empathie, capacité à contrôler et à structurer un échange professionnel) et aide à développer ces compétences en mettant les étudiants au défi de se montrer à la hauteur. C’est un peu comme un exploit sportif : on apprend les techniques, mais peut-on toutes les mettre à l’œuvre pour assurer sa performance le jour J ? Ça les rend plus forts, plus confiants, mieux armés pour faire face à des situations inédites et difficiles.

Ce challenge répond à plusieurs objectifs :

  • Promouvoir la vente en tant qu’activité et carrière potentielle, et établir des contacts avec les entreprises « Ce dont je me souviens de cette expérience est très simple : elle m’a convaincue de me tourner vers la vente. Je me rappelle que cette journée m’a vraiment boostée » – Alice Faure, étudiante SKEMA
  • Explorer différentes façons de travailler avec des entreprises. L’apprentissage par projet est la clé de l’approche pédagogique utilisée dans le MSc, et nous travaillons avec nos partenaires de différentes façons
  • Créer des moments singuliers et uniques dans le programme qui seront stimulants : « Je reconnais que c’était un peu stressant car c’était un format d’examen inhabituel, je crois que c’est l’un des plus professionnels que j’ai passés à SKEMA. » – Marianne Labbé, étudiante SKEMA
  • Combiner une pédagogie Learning-by-doing avec une approche Learn-by-rising-to-the-challenge : « Les directeurs ont essayé de nous mettre en difficulté avec des questions que nous n’avions pas prévues. Par exemple, l’une des stratégies que j’ai exposée à un directeur n’était basée sur aucun chiffre concret, et il a insisté sur ce point pour voir comment je réagissais. »Aline Blois, étudiante SKEMA
  • « Boucler la boucle » en faisant venir d’anciens étudiants – dont certains ont trouvé un emploi grâce au Sales Challenge – afin qu’ils partagent leur expérience professionnelle avec la nouvelle promotion. C’est peut-être l’un des aspects les plus gratifiants de cette expérience pour un directeur de programme !

Que retenez-vous de cette expérience en tant que professeur ?

Qu’enseigner consiste souvent à créer des « opportunités d’apprentissage » plutôt qu’à transmettre des connaissances. Il s’agit d’être teacher-as-events-manager et aussi teacher-as-juggler-of-last-minute-changes. Pour le programme, c’est également une excellente manière de travailler avec le service Talents & Carrières et vice-versa, en créant de nouvelles façons de travailler avec nos partenaires (un tonnerre d’applaudissements d’ailleurs pour Hilti, Akka Technologies, Page Personnel, P&G, Auchan, Jacquet Brossard, Viibe, Frost & Sullivan). C’est un cercle vertueux de premier ordre.

Qu’auriez-vous aimé savoir avant de débuter ce projet ?

Qu’organiser ce genre de travail n’est pas aisé ! Souvent, même avec les meilleures intentions, les entreprises se rendent compte au dernier moment qu’elles ne peuvent plus y participer. Le projet repose souvent sur des individualités en entreprise qui jonglent avec de nombreuses priorités. Tous les ans, il arrive un moment où je me demande pourquoi je me suis lancé là-dedans… Quand j’entends les commentaires des étudiants et que je les vois décrocher un job, je réalise que ça en valait la peine.

Pour finir, à quoi ressemblera le challenge en 2021 ?

N’ayant pas pu organiser l’événement à Lille et à Suzhou cette année à cause du COVID-19, nous sommes déterminés à le faire l’année prochaine et nous ajouterons également Belo Horizonte afin que le challenge soit organisé sur chaque campus où est dispensé le programme IMBD.

Nous avons invité des entreprises à Sophia pour donner des Master class dans le cours de Selling skills lié au challenge, et nous aimerions développer encore davantage cette initiative.

Nous pouvons toujours faire mieux dans la façon d’enseigner les techniques de vente, nous envisageons par exemple de créer du contenu en ligne.

Peter SpierProfessor in Marketing, Sales and International Business, SKEMA Business School

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