Comment concevoir des systèmes de retraite à cotisations définies efficaces ?

Comment concevoir des systèmes de retraite à cotisations définies efficaces ?
Monica Silvestre, Pexels

Le régime de retraite à cotisations définies offre des réponses aux problématiques du vieillissement de la population, mais il présente aussi bien des défis. L’exemple chilien, où le plus ancien système de ce genre est en place, permet de s’en rendre compte.

Peu de sujets touchent à la vie de chacun et suscitent autant de controverses que les fonds de retraite. Les pays développés, comme les pays en développement, ont vécu des manifestations massives – et parfois violentes – de leur population qui s’oppose à toute modification du système ou qui souhaite remplacer complètement le système en place.

Il existe différentes sortes de systèmes de retraite. Ceux à prestations définies et ceux à cotisations définies sont les deux cas extrêmes, et la plupart des systèmes dans le monde utilisent l’un ou l’autre, ou une sorte d’hybridation entre les deux. Le système à prestations définies, en place dans des pays comme la France et le Brésil, fixe les salaires des travailleurs après leur départ à la retraite. Le système à cotisations définies, incarné par le Chili et les comptes 401(k) aux États-Unis, fixe le montant que les travailleurs doivent épargner chaque mois, par exemple un pourcentage fixe de leur salaire.

La barre des 70%

À mesure que la pyramide des âges évolue dans le monde, il devient plus difficile de financer la retraite d’une population vieillissante, ce qui est l’une des principales raisons du passage massif des systèmes à prestations définies aux systèmes à cotisations définies au cours des dernières décennies.

Les systèmes à cotisations définies sont une réponse à ce défi dans la mesure où chaque travailleur est responsable de sa propre épargne-retraite. Les dépôts mensuels sont versés sur un compte exclusivement dédié à l’augmentation de la somme forfaitaire à laquelle le travailleur aura accès à l’âge de la retraite, généralement sous la forme de paiements mensuels jusqu’au décès (les fameuses annuités).

Malgré une préférence globale pour les systèmes à cotisations définies dans le monde entier, ceux-ci ne sont pas sans poser de problèmes. L’un des principes fondamentaux de ces systèmes est que l’épargne-retraite doit être investie afin de générer suffisamment d’argent pour une retraite confortable, estimée à environ 70% du dernier salaire du travailleur. Cette valeur est appelée taux de remplacement.

L’exemple chilien

Prenons l’exemple du système chilien. C’est le plus ancien système à cotisations définies au monde (il a été mis en place en 1981) et il est obligatoire pour tous les travailleurs, à quelques rares exceptions près (les forces armées et la police, par exemple). Le travailleur peut choisir librement entre sept administrateurs de fonds de pension (AFP), qui sont des entreprises ayant pour mandat exclusif de gérer l’épargne-retraite jusqu’à la retraite. Dans chaque AFP, le travailleur peut choisir d’investir son argent dans cinq fonds : A, B, C, D et E.

Ces fonds se distinguent par leur profil risque-rendement : le fonds A est fortement investi en actions et présente donc des rendements attendus et des risques plus élevés. En revanche, le fonds E est principalement composé d’obligations : son rendement est plus faible, mais son risque est très faible. Les autres fonds intermédiaires peuvent être considérés comme une transition en douceur entre les fonds A et E.


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Par conséquent, pour atteindre un taux de remplacement d’environ 70%, les AFP doivent obtenir des rendements attrayants pour chacun des fonds qu’elles gèrent. Le régulateur chilien a défini les fonds par des limites de portefeuille : le fonds A peut avoir jusqu’à 80% de sa valeur investie en actions, le fonds B 60%, le fonds C 40%, le fonds D 20%, et le fonds E peut avoir au maximum 5%. Tout comme le quotient intellectuel (QI) est une approximation de l’intelligence et le PIB de la croissance économique, ces limites sont censées être une approximation du risque de chaque multi-fonds. Malheureusement, cette stratégie entraîne plusieurs complications.

Aux limites du risque

Tout d’abord, comment définir ces limites ? Si elles sont trop strictes, un fonds pourrait devoir vendre une position dans un investissement rentable pour satisfaire aux exigences de la loi. Si elles sont trop souples, les profils de risque et de rendement souhaités pourraient ne pas être ordonnés conformément à la conception. Avec l’ajout récent d’instruments d’investissement tels que les produits alternatifs et les produits dérivés, la législation actuelle exige la définition de 50 de ces limites ! Étant donné qu’un rendement supplémentaire de 1% par an peut se traduire par une pension jusqu’à 25% plus élevée, ces limites peuvent avoir un effet désastreux sur la pension finale d’un travailleur.

Une proposition de solution, discutée dans les milieux universitaires et professionnels, consiste à remplacer ces limites par des mesures de risque. Les mesures de risque sont un moyen de mesurer directement le risque d’un portefeuille sans imposer de limites spécifiques à chaque instrument financier autorisé par le régulateur. Chacun des fonds A à E serait caractérisé par un seul chiffre : le niveau de risque toléré par chacun des fonds. Le paramètre de tolérance serait plus élevé pour le fonds A, permettant l’exposition à des instruments à rendement plus élevé, et plus petit pour le fonds E, limitant les choix à des instruments plus sûrs.

L’existence de limites de risque permettrait de différencier automatiquement les instruments appartenant à une même classe, comme les obligations. Avec les limites de portefeuille, toutes les obligations sont traitées de la même manière puisque c’est le pourcentage qu’elles représentent dans le portefeuille qui est mesuré, et non le risque global des positions.

Vers les systèmes de retraite à cotisations définies

Quelle est la mesure de risque appropriée pour définir les fonds à compartiments multiples ? La question n’est pas simple, mais il existe différentes alternatives dans la littérature. Les mesures classiques axées sur la volatilité, telles que l’écart-type, ne sont pas recommandées car, dans le cadre d’une planification à long terme, la volatilité du parcours n’a pas d’importance. Un candidat possible est la valeur conditionnelle du risque (CVaR), qui est une mesure du risque largement utilisée dans les problèmes financiers et qui est relativement facile à calculer. L’autorité de régulation mexicaine utilise déjà la CVaR, en combinaison avec des limites par classe d’actifs.

L’évolution vers des systèmes de retraite à cotisations définies, ou du moins vers des systèmes hybrides avec une composante à cotisations définies, semble irréversible. Il est toutefois important de continuer à débattre de la manière de concevoir un tel système, en accordant une attention particulière aux règles d’investissement dans la phase d’accumulation, afin de pouvoir fournir un revenu de retraite satisfaisant aux travailleurs le moment venu.

Bernardo Pagnoncelli

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